Intersubjectivité médiatée
et individualisation
Les nombreux dispositifs
expérimentés et développés à
ce jour ont connu des succès divers. Nombre ont été
le fruit d’une démarche fonctionnaliste à la
recherche d'un système opératoire de plus en
plus intuitif ou d’une conception centrée sur l’usage.
Ils réduisent l’interactivité à un concept
fonctionnel d'une technologie facilitatrice des pratiques.
D’autres centrés sur la conception de nouveaux environnements
virtuels pensent ouvrir vers de nouveaux espaces abolissant
les contraintes de l’espace opératoire. Mais ces environnements
ne sont qu’hypothétiques, ils sont des reflets qui
participent à la vie de notre imaginaire et de notre
pensée. Ces mondes numériques n’ont de sens
que dans l’usage que nous faisons d’un contenu que nous nous
approprions à partir de notre champ de l’expérience.
Ainsi entre ces deux
pôles, les médiations interactives ont organisé
des scènes qui vont au-delà d'un rapport "naturel"
à la technique ou d'une exploration d'un imaginaire
sans contrainte. Il nous semble qu’une réflexion spéculaire
sur l'introduction et le développement de dispositifs
interactifs doit permettre de prendre en compte la complexité
de la relation d’usage recherchée et la logique des
contraintes. Elle nous permet de reconstruire la médiation
au travers des jeux de personnages recomposants les enjeux
des acteurs au sein d’une intersubjectivité médiatée.
Il n’y a actuellement
pas de réels problèmes techniques qui limitent
le développement des dispositifs de médiations
interactives. La course technologique nous paraît être
une fuite en avant des concepteurs de système et de
contenu. Il y a peu de problème de débit, de
qualité d’affichage qui empêchent le développement
de dispositifs originaux. La réelle difficulté
est celle d’une culture qui dans ce besoin d'une inflation
technologique cherche à masquer son " incapacité
à ", sa crainte de se servir des outils d’aujourd’hui.
La difficulté est peut-être au fond plus culturelle
qu’économique.
Les technologies de
l’interactivité numérique bouleversent une culture
de la linéarité des discours mais aussi une
de la linéarité du rapport auteur/lecteur et
par extension de la linéarité du rapport producteur/consommateur.
Cette problématique est confrontée à
des paradoxes qui traversent l'ordre socio-économique.
L’interactivité dépossède l’auteur et
le producteur d’une partie de leur fonction, l'utilisateur
devient de plus en plus acteur lui même d'un co-produit
dont il est le héros. Il est celui qui, en mettant
la touche finale individualise, chaque médiation. L’interactivité
marque une rupture entre une culture de masse et une culture
de l’individu. Cette rupture est aujourd’hui idéalisée
au sein de paradigmes de l’individualisation tout en étant
déjà à l’œuvre dans les faits d’interactivité.
Nous conclurons en suivant
deux axes de l’analyse des mises en scène interactives.
Le premier fait l’hypothèse que l’interprétation
spéculaire des médiations interactives conduit
à définir le concept d’intersubjectivité
médiatée. Au travers du second axe, nous envisageons
l’impact de l’interactivité comme signe et moteur d’une
transformation de la société se réorganisant
autour d’idéologies de l’individu.
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