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Spécial Thèse


-Introduction-

1-De la difficulté d'écrire linéairement sur le multimédia et l'interactivité
2-Terminologie
3-Entre le signal et sa signification : vers les retrouvailles médiologiques des contenus et de la technique
4-La problématique
5-Les hypothèses
6-La méthodologie :Modélisation

 

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6. La méthodologie :Modélisation

La modélisation est une technique conceptuelle qui permet à la fois de construire l’outil de compréhension et l’outil de prospection des médiations interactives.

En quelques mots nous avons brièvement abordé et jeté les bases d’une problématique puis émis des hypothèses. Notre projet est de comprendre les médiations interactives à partir de leur mise en scène. Nous allons maintenant suivre un cheminement réflexif pour élaborer une méthodologie permettant de traiter notre projet en poursuivant deux objectifs :

  • Rationaliser (rendre accessible à la raison, à la réflexion) la démarche qui conduira d’une question à ce qu’on dira, à ce qu’on écrira en terme de réponses ou de nouvelles questions.

  • Enrichir une pratique de recherche d’une connaissance et d’un savoir-faire actualisant ou mettant en perspective d’autres problématiques que l’on pourra rapprocher d’un point de vue fondamental (conceptuel) ou appliqué (mise en pratique de concepts et de démonstrations théoriques).

Dès le départ (et parfois avant), cet engagement méthodologique marque le devenir du traitement démonstratif de la problématique initiale. C’est le fondement épistémologique de chaque recherche.

Nous avons évoqué précédemment le cadre épistémologique dans lequel s’inscrit ce travail. Il en éclaire le sens et les limites. Au delà d’une pure réflexion, cette quête épistémologique aboutit à définir pratiquement les outils de traitement et de compréhension des enjeux de la problématique.

Dans notre cas, l’outillage méthodologique de base est conceptuel et s'articule autour d'un travail de modélisation.

Pour faire une comparaison rapide, la modélisation est à notre projet ce qu’une équation peut être à un projet mathématique. Sans pousser plus, ici, l’aspect purement épistémologique du choix d’une approche par modélisation, nous dirons que la modélisation :

  • Projette symboliquement les éléments d’une problématique ainsi que les propriétés qui les lient.

  • Simule théoriquement (et virtuellement) les interrelations entre les différents éléments de la problématique et les aboutissants de leurs modifications.

  • Navigue rétroactivement entre les différents niveaux de compréhension d’une problématique en posant les modes de conversion entre le théorique et le pratique (A ce niveau nous avons recours à des méthodes et des outils " secondaires ").

Dans notre cas précis cela prendra par exemple la forme d’une représentation de notre problématique selon le schéma suivant :

Illustration 1 Modèle canonique de la médiation

Notre problématique s’appuie sur l’hypothèse d’une interrelation forte entre des contenus, des formes et des actions que nous appelons mise en scène.

Cela est une première approche sous forme de modèle de notre problématique. Nous la complexifierons et nous essayerons de dépasser cette base en travaillant à la fois sur les propriétés représentées et leur représentation.

L’approche modélisatrice passe par une attention portée à ce qui est représenté, mais aussi à la symbolisation de ce qui est représenté, donc aux fondements et aux propriétés même de la projection. " Le système de modélisation est récursif, s’établissant dans l’interaction entre le système modélisé (le phénomène perçu comme complexe) et le système modélisant. […] Le système de modélisation (le modélisateur concevant et interprétant le modèle d’un système complexe) se comprend comme s’auto-finalisant : il élabore ses projets, il est projectif " (Jean-Louis LE MOIGNE) [14 p.65].

Conjointement il faudra donc garder à l’esprit que ce modèle va être dynamisé tant dans son fonctionnement que dans son contenu.

Par ces propriétés, nous espérons que la modélisation de notre projet aura une double vocation : être un outil de connaissance et être un outil de simulation.

Notre approche à partir de la modélisation correspond à un glissement cognitif, une articulation entre différents niveaux qui vont du théorique au pragmatique. Dans les faits, cette opération n’est pas aussi hypothético-déductive que le laisse transparaître la mise en perspective linéaire du texte. Au détours des exemples, on constatera, qu’il y a des allers et retours entre l’expérience et la réflexion sur les pratiques.

La linéarité de la présentation de cette recherche est l’instant d’un chassé croisé entre mes rencontres avec d’autres approches, mes théorisations des médiations avec mes expériences. Un parcours où chacun apporte un éclairage nouveau sur une pratique de réflexion et d’action en construction incessante, même si c’est autour de lignes de force.

Parmi celles-ci, il y a tout d’abord l’attachement à un champ, celui de la médiation. Une passion profonde pour ce lieu/instant où la matérialité et la spiritualité se croisent dans le champ du signe.

Puis il y a un terrain, l’univers des technologies interactives de communication. Je ne m’y lance pas au nom d’une quelconque ruée vers l’eldorado numérique, gisement annoncé d’une nouvelle révolution économique, mais parce qu’il me semble être le lieu de l’expression concrète d’une révolution culturelle du rapport des individus au symbolique. Une révolution historique où l’individuel et le social se réorganisent autour de l’individu. Cette émergence de l’individu en quête de son affirmation identitaire dans le groupe, m’amène depuis plusieurs années à repenser les médias non plus en tant que modèle d’influence, mais en tant que lieu d’appropriation symbolique. Si cette transformation était sous-jacente aux médiations antérieures, elle était subversive et marginale ou invisible aux théories.

C’est en passant par un renoncement à une communication mesurant les aléas et les effets du message de l’émetteur au récepteur qu’il devient fécond de comprendre comment et pourquoi on s’approprie un contenu médiaté.

Je ne dis pas là qu’il y ait quelque ingratitude à faire usage de la mesure dans l’univers des communications. C’est là toute la richesse du savoir faire des techniciens et des économistes de la communication, pas de celui-ci qui cherche à comprendre ce qu’on en fait. Tout au plus l’usage de la statistique ou de la mesure peut-il nous aider à voir, à pointer l’existence (ou la non existence d’une pratique), mais elle n’a pas en soi de signification dans le champ qui est le nôtre.

J’ai moi-même, au cours de mes recherches antérieures sur les jeux vidéo [27], eu recours à des traitements statistiques. Avec un peu de recul, je pense pouvoir cerner les apports et les limites médiologiques des résultats obtenus. L’utilisation de cet outil s’est faite dans le cadre de l’analyse d’un corpus d’une centaine de jeux. Au travers d’un certains nombre de critères j’ai essayé de faire ressortir les différents types de mises en scène (déjà !) rencontrées dans le jeu vidéo. Les résultats ont été relativement féconds mais il me semble qu’à l’époque, j’ai été submergé par l’abondance de corrélations. A posteriori, l’intérêt de cette étude était en amont et en aval du traitement statistique.

La construction de la grille de lecture pour le recueil de données m’obligeait à construire un objet original. Aucune étude n’avait à ma connaissance tenté de cerner le fonctionnement, l’usage, l’appropriation des jeux vidéo par leurs utilisateurs. Tout au plus assistait-on à des discours polémistes remettant à la sauce interactive la déviance sociale potentielle de ce nouveau média. Toutefois au travers des travaux de Jacques PERRIAULT [24], de Seymour PAPERT [28], Sherry TURKLE [29] ou en regardant du coté de Edward T HALL [30], Antoine HENNION [22], Erwing GOFFMAN [6], Jean PIAGET [31], Serge TISSERON [32], de la linguistique pragmatique ou de la sémiologie de Umberto ECO [33], il me semblait qu’il y avait des pistes propices à construire un outil de repérage. La diversité de ces auteurs et de ces champs de références, traversant pèle mêle la psychanalyse, la sociologie, la pédagogie entre autres, nécessitait une construction théorique permettant de fédérer ce qui pouvait l’être. J’ai entrepris une ébauche de ce que j’appellerais aujourd’hui une modélisation de la médiation. J’ai essayé de voir ce qui émergeait de toutes ces conceptualisations dans le rapport du joueur au joué (ou au jouet). Se faisant, j’ai dressé une cartographie du dispositif et des différentes dimensions qui s’y transformaient. Ces dimensions devenaient variables et leurs transformations valeurs. J’ai ainsi différencié chaque élément de mon corpus dans ses faire, formes et contenus. D’une certaine manière j’aurais pu m’arrêter là et entrer de plein pied dans une étude serrée des significations émergentes. Je n’avais toutefois pas construit une grille pour ne pas me lancer dans le décryptage fébrile d’un corpus amoureusement amassé. J’aurais pourtant dû, si j’avais pressenti les limites de l’interprétation que je pourrais en extraire directement.

L’essentiel des résultats a fait ressortir des modes et des corrélations permettant de savoir quels étaient les caractéristiques dominantes de mon corpus. Du point de vue psycho-social, sémiologique et peut-être mercatique, cette méthode aurait eu un intérêt manifeste (dans les limites de représentativité du corpus). C’est indirectement que j’ai tiré des enseignements de cette étude en essayant d’en analyser les résultats. Certes j’obtenais des conjonctions statistiquement significatives, mais est-ce que pour autant les conjonctions marginales n’avaient pas aussi une signification ? Pourquoi certaines conjonctions n’apparaissaient jamais, était-ce le simple fait du corpus ?

Dans l’urgence de la rédaction j’ai opté pour une solution en demi teinte. J’ai décrit les résultats statistiques au regard des champs de références qui m’avaient servi à construire mes variables. Et dans un second temps, j’ai enrichi ces conclusions d’une lecture empirique des " non-résultats ". Le procédé est cavalier, mais éclairant sur les limites de la pratique.

A posteriori, il est clair que c’est la modélisation antérieure qui a été fertile, et c’est de douter encore de ses vertus qui m’a conduit à rechercher des certitudes dans un protocole rassurant.

Il me manquait d’appréhender la multidimensionnalité dynamique de la modélisation. Je sentais qu’il y avait un objet théorique qui avait des résonances concrètes, mais je me perdais dans le passage d’un niveau de compréhension à l’autre. En reprenant divers travaux sur la modélisation et ses usages, j’ai progressivement reconstruit ma démarche.

De l’ouvrage de Gilles WILLETT (" La Communication Modélisée ") [34] ou de ceux de Jean-Louis LE MOIGNE [14], j’ai retenu des principes sur l’utilisation et la construction de modèles appliqués à une approche projective des problématiques.

De Jean PIAGET [31] et de ses collaborateurs comme Seymour PAPERT [28], j’ai étudié une démarche rigoureuse combinant un passage du théorique à la pratique et des transformations qui lie l’un à l’autre au travers d’une mise en avant de l’épistémologie.

Il me semble au travers de mes différents parcours, qu’une utilisation pertinente d’outils de modélisation adaptés au projet médiologique est propice à rendre fécondes les recherches engagées autour des problématiques de la médiation.

Mais il faut tout de suite se débarrasser de l’illusion d’un modèle à tout faire. La modélisation est un processus qui se décline sous différentes formes en fonction de la spécificité et du niveau de traitement du projet.

Les différentes problématiques que pose une approche par la modélisation méritent qu’on s’attache à plus de précision sur le cadre d’utilisation des modèles. C’est d’ailleurs à partir de leur usage qu’il est le plus pertinent de les distinguer. Dans tous les cas, un modèle est avant tout un outil permettant d’appréhender une problématique. Mais le projet d’usage que l’on en fait va nous servir à construire un modèle possédant des propriétés et des qualités particulières. Ceci ne sera pas sans incidence sur sa représentation et sa mise en œuvre.

Selon mon approche des modèles, je parle plus facilement de niveaux de modélisation que d’étapes. Les étapes ont trop tendance à établir des ruptures entre les différents modèles. La notion de " niveaux " conserve beaucoup mieux la liaison entre les " niveaux ". Cette liaison est en quelque sorte la déclinaison de plusieurs angles de pensées, de réflexions et d’analyses autour d’une problématique.

Je dégage ainsi trois niveaux de modélisations :

  • Epistémique
  • Générique
  • Pragmatique

Au premier niveau, la modélisation est un lieu d’organisation sur une approche abstraite et réflexive de la problématique. C’est un peu le niveau de départ et d’arrivée. C’est d’abord le lieu d’une approche globale de la problématique et de ses enjeux.

Le niveau générique est celui d’un choix. Du niveau global, on va vers le champ d’une approche pragmatique de la problématique. Ce choix est relativement intemporel. Ce second niveau marque un engagement méthodologique et conceptuel concret. Il va permettre de situer la problématique au travers des processus qui l’animent. Nous ne sommes pas encore au niveau pragmatique, puisque nous travaillons encore sur des concepts propres aux objets de notre problématique. Ce niveau est celui de la transition entre le premier et le troisième niveau de modélisation. C’est là que les idées se transforment en variables avant de se remplir de valeurs. C’est là que les valeurs sont analysées, organisées pour produire une mise en perspective, qui, dans l’espace d’un retour vers le premier niveau s’appelleront des conclusions.

Le troisième degré, le niveau pragmatique de la modélisation consiste à observer un corpus concret au moyens des outils que nous avons élaboré aux niveaux antérieurs.

Le texte est organisé autour de ces trois niveaux de modélisation.

Dans l'introduction nous avons abordés les données épistémologiques qui encadrent ce travail : Définition du champ modélisateur et du projet modélisé.

La première partie définit la spécificité des médiations interactives

Dans la seconde partie présente un modèle générique spécifique aux médiations technologiques et interactives et au concept d'interactivité à partir duquel j’introduis aux conditions de leur analyse.

La troisième partie aborde le cadre pragmatique d’une approche du fonctionnement des médiations interactives. Elle reprend les concepts d’analyse appliqués à des médiations particulières. A partir de ces observations nous effectuons une synthèse des effets observés.

Au travers de la quatrième partie nous essayons de dégager une cohérence qui rend compte d’une approche théorique des médiations interactives.

On constatera qu’en fait qu’il n’y a pas un modèle par niveau, mais plusieurs car il n’y a pas de fracture entre les niveaux, mais plutôt un glissement et des enchevêtrements sur deux dimensions (du théorique au pragmatique et du général au particulier). Chacune de ces dimensions est parcourue par une spirale cognitive dont les extrêmes sont " construction " et " déconstruction " (ou régression).

 

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©Vincent Mabillot 1999-2003