- Entre Acteurs et Médias, les prédispositions
de la transmission
Entre l’acteur et le média
de nombreux processus organisent leurs liens de médiation.
Le plus visible est un rapport fonctionnel (opératoire),
celui de l’investissement et de la manipulation de
l’interface.
Tout d’abord il faut que l’acteur
institue l’espace de médiation comme lieu de
représentation symbolique. Il l’institue non
pas par reconnaissance, mais par usage de celui-ci
en tant que tel. C’est parce que j’allume la radio
que se crée un espace de médiation par
radiodiffusion. Tant que je n’active pas la radio,
elle n’est qu’un objet. L’objet d’un contenu, d’une
représentation qui fait que si j’agis sur cet
objet, je vais créer ou modifier l’espace de
médiation. La lampe de Marshall MAC LUHAN [21]
change le monde, parce que quelqu’un l’allume. Pour
autant, ceci ne suffit pas à en faire un média,
car le fait d’éclairer ne transforme pas forcément
en lieu de représentations symboliques.
Cette transformation se fait au niveau
de l’acteur par un travail psychique de symbolisation
selon l’expression de Serge TISSERON [3]. Cette
transformation correspond à la construction
de représentations mentales. La particularité
du passage entre l’univers Acteurs et l’univers Médias,
c’est un transfert entre des dynamiques de la représentation
mentale interne et la matérialisation de ces
représentations. C’est un jeu de conversion
de l’idéel en matériel. C’est par ce
biais que l’acteur institue le média en lui
attribuant cette qualité de convertisseur.
Cette qualité est visible
au niveau de l’usage par la mise en œuvre de processus
de lecture et d’écriture (de consommation ou
de production de contenu). Lecture et écriture
sont les processus opératoires qui marquent
la symbolisation (ou la transmission). Ce sont ces
processus que le médiologue est en mesure de
saisir, d’observer au travers des actes qu’ils nécessitent.
Si le média est de l’ordre
du spatial et l’acteur de l’ordre de l’historique,
la pertinence médiologique sera d’observer
l’histoire des changements de positions. C’est donc
dans les observations de ce qui constitue la grande
et la petite histoire de l’usage que l’on peut apercevoir
la mise en scène de la médiation. Les
études de Jacques PERRIAULT [24], montrent
que si les de nouvelles techniques de médiation
définissent de nouvelles configurations, c’est
par la réussite des transferts de l’histoire
de l’usage culturel des techniques antérieures
que passe leur adoption.
- Entre Médias et Contenus, les parcours
du signe
Entre contenu et média se
structure le signe. Cette transformation est une perte
dans la mesure où le signe n’est jamais la
chose dans toutes ses dimensions. C’est aussi un gain,
parce qu’il n’est plus la chose il devient mobile,
transportable et associable à d’autres signes
appartenant à une autre réalité.
Traditionnellement on distingue le
rapport du signe à son référent
comme analogique ou digital : Analogique, le
signe conserve certaines dimensions du référent
comme la forme, la couleur, la taille, le volume…
Le rapport entre le signe et son référent
est direct, il y a entre eux un rapport d’identité,
d’homologie. Dans l’univers digital, la relation entre
le signe et son référent devient indirecte.
Elle est le produit d’un codage.
Cette différenciation des
signes qui oppose, par exemple, l’image et le langage
est valable pour tous les contenus, mais cet état
du signe peut changer de statut selon qu’on l’appréhende
du point de vue de l’acteur ou de celui du média.
Par exemple, une image sur l’écran d’un ordinateur
est pour la machine un contenu digital (elle est numérisée)
alors que pour celui qui la regarde elle garde ses
propriétés analogiques. Le rapport entre
le média et le contenu est un rapport technique
de la capacité de représentation du
dispositif.
En fait au niveau technique, les
contenus analogiques abandonnant une part de leur
dimension ne perdent-ils pas leur qualité d’analogique ?
Est-ce que ce qui caractérise le passage du
contenu au signe, ce n’est pas justement la perte
d’identité dimensionnelle ? Cette transformation
détache irrémédiablement le signe
de son référent, elle crée donc
une incertitude sur le lien qui les unit mais elle
gagne en créant un nouveau type de contenu,
un contenu médiatisé. A défaut
du contenu lui-même, j’ai un modèle du
contenu.
La particularité du média
est donc de produire des modèles de contenus
qui comme tous modèles permettent de virtualiser,
de simuler le réel. La différence se
situe alors sur la structure et la maniabilité
de ces modèles accessibles au niveau du rapport
opératoire entre acteur et média. C’est
à dire que l’on aura des représentation-signes
caractérisées par leur forme spatiale
et temporelle conjointe avec leur mode de lecture
ou d’écriture.
La médiatisation d’un contenu
institue les signes comme des objets. Les règles
et les propriétés fonctionnelles de
la techniques vont les réunir comme un potentiel
de monde possible qui sera réalisé dans
l’usage. Le rapport entre média et contenu
est " syntactique "(Jean Pierre
BALPE [70]), il n’a pas encore de valeur pragmatique
ou sémantique.
- Entre Acteurs et Contenus, les mythes de la représentation
La liaison entre contenus et acteurs,
est celle de la représentation mentale. Serge
TISSERON dans une critique de " La Contagion
Des Idées " (Dan SPERBER, 1996)
[4], propose de parler de la représentation
en ces termes : " C’est le résultat
d’un travail psychique qui fait " également "
intervenir des émotions –prises dans la socialisation-
et des comportements " sensori-affectivo-moteurs ".
[…] La représentation n’est pas le résultat
du travail psychique d’assimilation du monde. Elle
est ce travail même " [3].
La représentation mentale
est d’ordre psychique et culturel. Au niveau psychique,
elle est individuelle et construite dans l’expérience
sensorielle intéroceptive et extéroceptive.
Au niveau culturel, elle est construite
dans l’expérience sociale, " elle
s’appuie sur les médiations culturelles que
sont l’ensemble des objets, des habitus, des traditions
dans lesquelles le sujet est pris lui-même comme
éléments d’un plus vaste ensemble ".
[3]
Dans cette conception, la représentation
est à la fois individuelle et sociale. De plus,
elle n’est pas figée. En permanence la représentation
peut-être réactualisée par l’expérience
de l’acteur. Les représentations se structurent
les unes sur et avec les autres. C’est là qu’intervient
l’importance des médiations (collectives et
individuelles) car c’est à partir d’elles que
s’extériorisent et se réorganisent les
représentations par des processus de symbolisation.
Ces processus vont faire que les représentations
seront assimilées ou incorporées. La
différence entre les deux, c’est que les secondes
sont restées " en souffrance de
symbolisation " [3]. La conséquence
est qu’elles ne sont pas intégrées dans
la personnalité de l’acteur, elles appartiennent
au no man’s land de l’impensé. Elles en surgissent
par résonance avec certaines configurations
psychiques (et par non par raisonnance). C’est de
là qu’on peut supposer que jaillissent les
dynamiques pulsionnelles, irrationnelles ou intuitives.
- La conjonction médiatique