L’interactivité regroupe un
ensemble de processus qui sont dépendants les
uns des autres, entre au moins deux êtres d’un
système. Cette interrelation entre les processus
est plus ou moins complexe. La complexité de
l’interactivité dépend de la capacité
de chaque être à générer
des réponses plus ou moins contextuelles, adaptée
ou intelligente.
Le paradigme cybernétique propose
de penser les êtres de la communication à
partir du comportement relationnel des éléments
d’un système. Ainsi la notion d’être s’étend
aux humains, aux autres êtres vivants et à
certaines machines. Il peut s’agir d’un être biologique
naturel ou d’un système artificiel.
Le comportement communicationnel est
la capacité d’un système (biologique ou
artificiel) de conduire et d’adapter son action par
la perception et la production d’informations, de symboles.
L’interactivité dans la communication
est le partage, par au moins deux êtres, d’informations
qui transforment le contenu médiaté de
leur relation. Le média devient ainsi le lieu
de réalisation d’un contenu collectif symbolique.
La base de l’interactivité est un partage de
potentialité d’actions transformantes sur les
informations, mais elle n’implique pas que les êtres
aient une utilisation et un traitement sémantique
équivalent de l’information partagée.
Le niveau de complexité du comportement interactif
de chaque être sert à identifier la nature
interactive d’un dispositif de médiation.
La différence de compétence
à interagir a essentiellement été
un argument de base pour opposer les communications
intersubjectives aux communications médiatées
en considérant que le média n’interagissait
pas, mais réagissait.
Si on peut essayer de soutenir cet
argument dans le cadre de médiation à
flot informationnel unique et unidirectionnel (cinéma,
chaîne télévision ou station de
radio…) ou des médias à technologie passive
(livre, affiche…), on peut se poser la question différemment
lorsque l’usage du support transforme et modifie technologiquement
le contenu informationnel. A partir de ce moment là,
le média acquiert une compétence interactive.
Il serait excessif de considérer
que cela permet de qualifier d’une même interactivité
tous les systèmes technologiques qui permettent
de changer de contenu informationnel. Ce raccourci est
celui qui a fait de l’interactivité un mot valise.
En fait on parle souvent d’interactivité dans
des situations de médiations où seul l’usager
est actif. Le couple téléspectateur télévision
est-il interactif parce que le téléspectateur
peut changer de chaîne ? Non si la télévision
n’a aucune interprétation relative de l’action
du zappeur par rapport au contenu diffusé. L’interactivité
sur une télécommande commence avec les
boutons [+] et [-].
Pour reprendre une expression de Luc-Olivier
POCHON et Michèle GROSSEN, un dispositif de médiation
est interactif lorsque dans la relation homme-machine
on peut parler d'intelligence ajoutée: "Ni
l'homme, ni la machine ne sont passifs à leurs
actions réciproques et leur activité respective
crée un espace interactif original" [71].
Une situation sera considérée
comme interactive si on peut attribuer un comportement
interactif à l’utilisateur et au système
technique, c’est à dire lorsque support et acteur
sont indissociables et coopérants de l’acte d’énonciation
du discours. C’est l’ensemble des compétences
interactives des acteurs de la médiation, que
je présenterai par niveaux de complexité,
qui va permettre de qualifier l’interactivité
d’un dispositif.
Toutefois avant de décrire les
niveaux d’interactivité, nous revenons sur des
concepts centraux dans le déroulement des médiations
interactives. L’interactivité médiatée
est un processus énonciatif diachronique et paradigmatique :
à une action de l’un répond une action
" motivée " de l’autre. Il
nous semble important de présenter les deux concepts
suivants: L'énonciation interactive et le déroulement
événementiel. Nous abordons séparément
bien qu'ils soient intiment liés et s'autodéfinissant
en partie l'un et l'autre.