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Première partie:

Les médiations interactives

1Médias et technologies des communications interactives
2 Dimensions des médiations interactives
3 Interactivité et processus énonciatifs

 

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3.3 Fonctionnement événementiel et contraintes de l’interactivité

Le fonctionnement de l’interactivité est basé sur des actes qui se répondent.

Dans les dispositifs de médiation, les actes se répondent en transformant le contenu symbolique de la médiation. C’est là une définition du concept d’événement comme étant un cadrage symbolique des faire qui entourent la construction d’un discours.

L’événement est ce que nous donne à voir le support de l’interprétation des actes.

Le discours d’une médiation interactive se présente comme une construction réflexive où des événements se succèdent à eux-mêmes en étant le lieu d’un faire collectif. Le fonctionnement événementiel suppose la transformation du contenu symbolique de la médiation (un état, une situation) par des actes opératoires effectifs ou latents (des faire). Ainsi le fonctionnement événementiel, conduit à considérer les médiations interactives du point de vue de leur déroulement. La structure du discours ne se révèle que dans sa co-réalisation.

Une difficulté majeure de notre réflexion, est celle de l’irréductible subjectivité narrative des médiations interactives. A la différence des autres communications médiatées dont la présentation du contenu formel est indépendante des conditions d’actualisation, un contenu interactif n’est formalisé que dans les conditions de réalisation d’une interaction. Ainsi dans les communications médiatées, l’interactivité commence lorsque le dispositif technique interprète l’activité d’un utilisateur comme une intention de transformation du contenu symbolique médiaté. Ceci implique que si, pour se réaliser, le discours attend un enrichissement du contenu par son utilisateur, c’est qu’il est, au moins partiellement, indéterminé dans sa forme, sa structure ou son déroulement.

La compréhension de l’interactivité peut donc s’envisager à partir de l’étude des opérations sur le contenu aboutissant à des transformations symboliques de ce même contenu, le tout formant une narration originale.

  1. La latence interactive
  2. L’interactivité ne se repère pas dans l’acte initial, mais dans l’existence d’une transformation symbolique (d’une réponse dans le contenu résultant d’une action). Ceci implique que pour les acteurs (comme pour le médiologue), la démarche est initialement inductive. Il leur faut éprouver l’interactivité de la médiation à partir de l’événement, c’est à dire de l’interprétation du faire.

    Mais une médiation est rarement en interaction permanente. Il y a des moments sans interaction effective. Par exemple, lorsque l’on consulte un CD-Rom sur un musée, pendant qu’on regarde une vidéo, il n’y a pas d’interaction. En revanche dans les jeux vidéo d’action, l’interaction est parfois ininterrompue pendant toute la durée d’une partie.

    Le concept d’interactivité doit donc être relativisé par la conscience interactive des acteurs. Il y a interaction lorsqu’un acteur attribue une intention à une réponse, effective ou latente, de l’autre. La latence ou potentialité d’une action est une condition basique de l’interactivité. Elle confère aux acteurs une intentionnalité dans la construction du discours. L’interactivité doit s’appréhender tout autant dans la manifestation de l’acte que dans son absence lorsque celui-ci est possible. Ainsi la diffusion d’une vidéo dans le cours d’une application multimédia permet elle de mesurer le rôle de l’utilisateur dans les possibilités qui lui sont offertes d’en modifier le déroulement. Si l’utilisateur ne peut pas intervenir, on quitte temporairement le mode interactif. Cela a des conséquences directes. Les auteurs sacrifient l’interactivité au profit du contenu, donc ils considèrent que l’utilisateur doit s’intéresser à l’ensemble de la séquence. Ils s’imposent comme les détenteurs de ce qui est supposé signifiant.

    Nous pourrions émettre l’hypothèse que c’est pour des raisons techniques qu’ils ne proposent pas d’interactivité. Mais nous rejetons de telles hypothèses dans nos analyses : L’auteur crée avec la contrainte technique, s’il accepte cette contrainte, c’est qu'elle n’est pas préjudiciable à l’esprit de sa construction. Si elle l’était, il ne s’y soumettrait pas. La vidéo est alors décontextualisable de l’ensemble de la médiation. Elle constitue un élément cotextuel de la médiation interactive.

    Si l’utilisateur peut modifier le déroulement de la vidéo, c’est que les auteurs considèrent que c’est lui qui doit donner de la signification au contenu de la vidéo dans son ensemble ou partiellement. La vidéo n’a plus de sens en elle, mais dans le contexte globale de la médiation.

  3. La boucle auto-référentielle des médiations interactives

Dans les médiations interactives, l’activité d’usage est liée à l’interprétation de l’utilisateur et celle du dispositif. Pour que le déroulement de l’énoncé se poursuive, il faut que l’utilisateur confirme qu’il l’a compris (suffisamment) et que le système comprenne qu’il l’a compris. Un enfant qui ne sait pas lire, peut toujours faire semblant. Il s’assoit, prend le livre et tourne les pages. Si le livre n’est pas la tête en bas ou si l’enfant ne tourne pas les pages à l’envers ou trop vite, on peut croire qu’il investit l’énoncé, alors qu’il ne confère qu’un pouvoir symbolique à l’objet livre. De même, rien n’empêche une télévision de diffuser alors que personne ne la regarde. En revanche, un jeu vidéo sans joueur en restera à l’écran de présentation et si l’enfant n’interprète pas une icône comme passage à la page suivante, il restera bloqué sur la même page.

En même temps, le support peut lui-même rétroagir sur l’énoncé éventuellement à l’insu de l’utilisateur. Ceci implique d’une part que l’utilisateur investisse l’énoncé d’autre chose qu’un pouvoir symbolique : l’énoncé relativise les conditions opératoires de sa production à son actualité. Il est le lieu de l’énonciation. Ce qui le fait appartenir au champ de l’expérience. Il est le lieu d’un faire actuel.

Mais parallèlement, les actes de l’utilisateur sont interprétés par le dispositif, ils n’agissent pas directement sur le lieu d’énonciation, ils sont traduits par le système et représenté au niveau de l’énoncé. Les actes opératoires deviennent symboliques. L’utilisateur a un reflet de sa propre action par la modification de l’énoncé. L'idéalisation de cette relation interactive se retrouve dans la conception d'interfaces intuitives. Nous préférons pour notre part le terme de Michèle GROSSEN et Luc-Olivier POCHON "compréhensives" [71]. Certes il est moins enthousiaste, mais cognitivement plus juste.

Considérons l’énoncé comme un état actualisé et matérialisé du symbolique. Les actes d’usage des médiations changeant l’état de l’énoncé produisent un processus événementiel. Ils opèrent une transformation diégétique de l’énoncé, un événement réactualisant le symbolique dans une nouvelle matérialité. L’utilisateur n’a connaissance de son efficacité opératoire et symbolique que par une transformation de l’énoncé faisant écho à son action résultant elle-même de l’interprétation d’un énoncé opératoire.

Mais dans les médiations interactives, une même procédure n’a pas toujours le même effet sur l’énoncé : Un clic de souris n’a pas toujours le même effet alors que tourner une page permet toujours d’accéder à la page suivante, appuyer sur le bouton affecté à la deuxième chaîne permet toujours d’afficher la deuxième chaîne sur son téléviseur. Il faut que l’énoncé invite l’utilisateur à opérer, il faut qu’il lui désigne les conditions nécessaires à un changement d’état. Qu’il soit comme le bonbon d’Alice et qu’il dise " clique moi ". Ceci implique que le déroulement événementiel de l’énoncé est co-référentiel à sa matérialité et sa symbolique. Sa symbolique renvoie à son fonctionnement et son fonctionnement renvoie à sa symbolique. L’utilisateur ne peut accéder au fonctionnement de la sphère opératoire par elle-même, il lui faut faire référence à la sphère symbolique. De même la sphère symbolique ne peut pas être interprétée de manière auto-référentielle. Il faut donc que l’utilisateur opère un déplacement de l’énoncé dans le champ de l’expérience, il doit le faire devenir " chose ", et il doit spéculer son action dans le champ symbolique, il transforme son action en signe d’un nouvel énoncé.

L’idée de l’efficacité symbolique des médiations interactives repose sur ce double transfert: Il crée une illusion rompant la distance entre le symbolique et l’expérience. Elle transformerait le symbolique en expérience, en un vécu propre à l’utilisateur, agissant directement sur la subjectivité de ses représentations mentales. Simultanément, elle transformerait l’expérience en symbolique, elle conférerait à la médiation une vertu potentielle où l’expérience est simulée.

Mais il n’y a pas un type de médiation interactive, et il ne peut pas y en avoir qu’un seul. Avec les technologies numériques, il est devenu possible de réaliser des dispositifs pouvant traiter une multitude d’énoncés dans divers formats sur des supports aux formes variées et de prenant en compte l’activité (au moins partiellement) de l’utilisateur dans le traitement des énoncés. Néanmoins ses dispositifs ont encore des limites. De plus entre l’investissement de réalités simulées ou celui de symboliques réalisés, il n’y a pas les mêmes projets d’usage et les même impératifs de représentation.

Face à cet inaccessible absolu d’un utopique dispositif interactif universel, il existe des dispositifs intermédiaires. Intermédiaires, car ils opèrent ou imposent des choix stratégiques sur les ressorts de l’interactivité et par conséquent sur la position de leur utilisateur. Variations d’énoncés, de systèmes et de compétences d’usage sont autant de facteurs qui vont modifier les modes d’actions et de représentations en déplaçant les frontières et le cadre de l’illusion.

A titre d'exemple, on peut suivre l'évolution de certaines représentations graphiques dans les documents diffusés sur le WEB :

Le WEB a permis d'accéder via le réseau Internet à des documents présentant simultanément du texte et des images. L'accès à un document ce fait selon deux usages:

1/ Par adressage absolu:

On connaît l'adresse, la localisation du document et on demande au logiciel de lecture (le navigateur) d'aller chercher le document à cette adresse et de l'afficher.

2/Par lien contextuel:

On ne connaît pas forcément la localisation d'un document, mais dans le document, affiché actuellement dans notre navigateur, des objets (textes ou images) contiennent cette adressage et d'un simple clic sur ceux-ci, on accède à un nouveau document. Il s'agit là d'une navigation hypertextuelle à partir de liens.

Le premier est très faiblement interactif dans la mesure où le navigateur n'a qu'un rôle utilitaire dans la mesure où il n'interprète qu'une requête absolue.

Le second cas nous paraît très illustratif surtout si on se replace dans une perspective d'évolution historique de la publication sur le Web.

Tout d'abord, l'utilisation d'un objet pour naviguer nécessite que l'utilisateur comme le système (et travers lui l'auteur du document) présupposent une l'interprétation opératoire et symbolique de l'énoncé. D'une part l'objet permet d'accéder à un autre énoncé. D'autre part, il est symboliquement motivant, car il est supposé faire référence par sa forme ou son contexte au contenu de l'énoncé à venir.

La réalisation de documents hypertextuels à partir du langage HTML permet de définir dans un document des zones ou des objets "opératoires": les liens. La fonctionnalité de l'objet est contenu dans son apparence. On voit l'objet (texte ou image) mais sa destination reste invisible pour l'utilisateur (sauf bien sûr si le texte servant de lien est l'adresse elle-même). A ce jour, il me semble que l'on peut repérer trois étapes dans l'évolution référentiel des liens sur le web:

1/La normalisation des liens

Au début des années 90, les liens étaient identifiés dans le corps du document par leur apparence normée: le texte lien était souligné en bleu et l'image lien était encadrée d'une bordure bleue. La couleur bleu avait un sens: "ceci est un lien".

Les documents étaient austères sur fond gris (excepté les illustrations). Mais il correspondait initialement à un usage très fonctionnel de la communauté scientifique ayant pour objectif de formaliser l'accès à des documents par association d'idée.

Mais cette communauté a senti aussi dans ce protocole un cadre d'expression. Ainsi les différents acteurs de l'élaboration de la norme HTML on fait évoluer celle-ci en même que sa diffusion s'élargissait à d'autres publics.

2/La stylistique infographique

A partir de l'évolution de la norme HTML 2 différentes modifications ont permis d'avoir une approche esthétique des liens contre la norme représentative. La couleur des textes est devenue paramétrable et il est devenu possible de supprimer le cadre bleu autour des images actives.

En tant qu'utilisateur, si j'ai été séduit par l'enrichissement esthétique et le confort des documents, j'ai dans un premier temps été décontenancé dans ma lecture active: Où étaient les liens, qu'est-ce qui distinguaient une image illustrative d'une image "aussi" active. Deux choses ont permis de palier à cette nouvelle lecture: d'une part la transformation du curseur de la souris sur les zones actives et l'apparition d'une stylistique infographique. Ainsi les images ayant une fonction de bouton de renvoi ont été stylisées pour leur donner l'apparence d'un relief (effet d'ombrage) ou leur encadrement a été stylisé (images dans des cadres arrondis, sur des fonds spécifiques, traits reliants les images…).

3/La mise en page Web

Cette stylistique infographique a donc attribué à des caractéristiques visuelles de l'image une potentialité de fonctionnalité. A partir des années 95, l'explosion du mythe Web comme emblème de la révolution Internet produit un effet de mode sur ce style qui quitte son support d'origine pour conquérir tout les autres médias visuels. Nous pouvons supposer que ce style "cyber" évoque la modernité et l'idée d'une utopie interactive où le client de masse devient un individu qui choisit et participe.

Mais cette surabondance use et dissout le style "cyber". Il perd son identité médiatique. Dans les années 98-99, on revient à un style graphique épuré sans revenir jusqu'à l'encadrement des images. Les nouvelles évolutions du langage HTML permettent même de supprimer le soulignement des liens textuels. Néanmoins en dehors d'expérience ludique, les liens textuels sont toujours stylisés différemment des styles du texte non-actif (par une couleur, police de caractères en gras…). En fait le marquage des liens est de plus en plus basé sur des styles d'organisation de la mise en page (colonnes de droite ou de gauche, ligne de bas ou de haut de page qui jouent le rôle de menu). A une reconnaissance visuelle se maintient une lecture "sensitive", un palpage du document consistant à survoler l'écran à l'aide du curseur de souris pour voir où il se transforme.

Chaque nouvelle étape ne détruit pas les anciennes, mais elles cohabitent ensemble avec toutes les nuances possibles pour servir des projets de communications spécifiques. Les premières privilégient l'importance du contenu et la transparence de la navigation. La seconde étape se retrouve sur les sites "cyberculturels".Le design a une forte charge identitaire pour distinguer, individualiser ses auteurs. Les sites de troisième génération font un mixage entre les deux. La stabilisation de la mise en page avec des menus récurents, une feuille de style, un découpage en rubrique et article privilégie une approche "efficace", "pro".

D'une norme initiale dépouillée mais très compréhensive, on évolue vers une complexification de la représentation dont la fonctionnalité tient du contexte de diffusion et de l'empathie éditeur/lecteur.

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©Vincent Mabillot 1999-2003