En Septembre 1996, la chaîne thématique
Canal J (spécialisée dans les émissions
pour la jeunesse et les séries TV) introduisait
dans son émission Cajou un concept de jeu interactif
"Le Jeu des Jeux". Les concurrents étaient
des téléspectateurs. Le jeu se déroulait
en direct pendant l'émission, les joueurs agissant
depuis chez eux à l'aide du clavier de leur téléphone.
Ce concept a été proposé au producteur
de l'émission par la société d'infographie
"L'Atelier Numérique" qui assurerait déjà
à l'époque l'habillage infographique de
l'émission. L'idée a été soumise
en Décembre 1995 ; le projet a été
retenu et engagé à partir de Mai 1996 pour
une diffusion quotidienne à partir de mi Septembre
de la même année. Le scénario définitif
et les règles de jeu ont été définis
et fixés en cours de développement en fonction
des contraintes ou des opportunités techniques
et des échéances du calendrier de réalisation.
Le principe de base reposait sur la trame
suivante:
Un joueur est appelé au téléphone
pour participer à l'émission. Une fois contacté,
il va pouvoir intervenir en direct sur le déroulement
d'un jeu dont tous les autres téléspectateurs
et membres de l'émission sont témoins. Le
but du jeu est de découvrir au final une image
brouillée sous forme de mosaïque. En fonction
de la qualité de la réponse, le joueur reçoit
des lots (patins à roulettes, disques, vêtements…).
Mais avant de pouvoir proposer une réponse, le
joueur doit franchir plusieurs étapes et épreuves
au cours desquelles il accumule des points. En fonction
de son nombre de points, il peut d'une part participer
à la phase d'identification de l'image, et d'autre
part, si ce nombre de points est élevé,
il permet de diminuer la taille des pavés de la
mosaïque, ce qui augmente la visibilité de
l'image originale et facilite donc sa reconnaissance.
Lorsque le joueur a fait une proposition pour la mosaïque
et que la réponse est erronée, des téléspectateurs
peuvent appeler en fin d'émission pour proposer
à leur tour une solution. Si la réponse
du joueur est juste, les téléspectateurs
devront tenter de découvrir une nouvelle mosaïque
dont la visibilité sera minimale.
Les épreuves sont au nombre de
trois. Le joueur y accèdent en se déplaçant
en 3D subjective dans un environnement simulant une partie
du plateau d'où les animateurs présentent
l'émission. Il s'agit d'un étage virtuel
de l'immeuble dans lequel est sensé avoir lieu
l'émission. Le joueur parcourt ainsi les couloirs
de cet étage, lorsqu'il se trouve devant une porte
et qu'il la pousse, il entre dans l'univers d'une épreuve.
Les épreuves sont réunies en trois catégories:
les jeux vidéo, les quizz et les surprises.
Les surprises ne donnent lieu à
aucune action de la part du joueur qui ne dépend
alors que de l'aléa de la porte ouverte. La surprise
est un bonus ou un malus de points hasardeux. Le joueur
découvre alors un des multiples écrans prévus
pour cette catégorie. Une animation sonore et visuelle
lui indique alors son résultat.
Lorsque le joueur entre dans la pièce
d'un Quizz, il est soumis à une question avec trois
propositions de réponse. Les points sont ajoutées
en fonction de la rapidité de la bonne réponse.
Quant à la catégorie des
jeux vidéo, elle regroupe six jeux originaux. Sur
le principe de jeux vidéo d'arcade ou de plateau,
le joueur doit en quelques secondes tenter d'accroître
son score en fonction de la spécificité
du jeu. Dans " Varape dans les étoiles ",
il fait escalader un ciel étoilé à
une grimpeuse. Plus il va haut et selon les étoiles
accrochées, plus il accumule de points. Le " Rappeur
Aux tomates " met en scène un rappeur
qui essaye tantôt d'éviter des tomates qui
lui sont jetées, tantôt il tente d'attraper
des disques compacts. " Marine et le Monstro "
représente une sorte de régate où
un voilier futuriste doit faire un maximum de chemin en
évitant les monstres marins. " Replantons
la Forêt " est un jeu écologiste
où depuis un dirigeable on peut lâcher des
sacs de graines tandis que de méchants bulldozers
détruisent la forêt existante. Un cinquième
jeu, " Alex Plorateur ", rappelle
l'univers d'Indiana Jones : dans une pyramide aztèque
un explorateur cherche à ramasser des objets en
fuyant des araignées repoussantes et autres momies
en colère. Enfin " Jack Cessoiriste "
parcourt avec son skateboard les coulisses d'un hangar
de cinéma à la recherche d'objets thématiques.
L'ensemble des manipulations du joueur
tout au long de la partie sont effectuées à
partir des touches du clavier numérique de son
téléphone. Durant toute la partie, le son
de l'environnement du joueur passe au travers du combiné
mais n'a aucun effet sur le déroulement du jeu.
De même les animateurs de l'émission peuvent
intervenir vocalement à tout moment pour commenter
la partie ou conseiller le joueur. Par contre il n'ont
aucune intervention directe sur le jeu. La production
symbolique est en fait gérée par un mixage
en régie de signaux provenant de trois sources:
Les signaux du téléphone (son et activation
des touches), l'activité du plateau (son et image
des animateurs), le jeu (son et image produit par ce que
nous nommons la machine à jouer).
Nous analysons ce dispositif à
partir d'une K7 vidéo qui nous a été
donnée par l'Atelier Numérique (société
conceptrice et co-productrice de ce jeu). Cette K7 d'une
durée de moins de dix minutes est une compilation
d'extraits de l'émission. Pour la société
qui nous l'a confié, c’est un témoignage
d'archives servant à montrer le principe du jeu
et la variété des concepts mis en scène.
Les images enregistrées ont été diffusées
au cours de la saison 1996/1997. Nous avons donc uniquement
des point de vue de téléspectateurs. A partir
de cette position nous reconstruisons le déroulement
de la médiation tout en l'étendant par la
suite aux déductions que nous pourront en tirer
des positions des autres acteurs. Ayant été
nous même acteurs de la conception, nous apportons
le cas échéant quelques éclairages
anecdotiques sur les conditions de développement
de ce projet.
Dans un premier temps nous allons filer
ce vidéogramme, comme un téléspectateur.
Après avoir présenté l'organisation
du contenu, nous entrons de plein pied dans la description
du déroulement de cette médiation.