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2.3 La sphère symbolique
Après des premières lectures
de l’émission, nous avons opté pour une
description de la sphère symbolique selon deux
axes : L’enchaînement des séquences
de l’émission et le déroulement des parties.
- L’enchaînement des séquences :
contexte d’interactivité
Diffuser un jeu télévisé
n’est plus une originalité. Ce type d’émission
est d’ailleurs un des contenus télévisuels les
plus caractéristiques. Il active plusieurs arguments :
- Visibilité du public : Contrairement
aux représentations collectives rassemblant un ensemble
d’individu dans un lieu commun où chacun constate
la présence d’autrui, la télévision
individualise l’exposition à la représentation.
Son discours s’adresse donc à un hypothétique
public collectif dont aucun des acteurs n’a de représentation
directe des individus qui le constitue (au-delà du
petit groupe réuni devant un même poste). La
multiplication du nombre de candidats à un jeu réalise
une visibilité de l’audience.
- Intérêt du contenu : En identifiant
et en symbolisant le collectif au travers d’un idéal
de partage d’un contenu (nature du jeu – connaissances,
épreuves d’adresses…-) avec l’image de ses candidats
et animateurs, le jeu affirme l’intérêt (la
justification) de l’émission (apprendre, se détendre…)
tout en procédant à la représentation
d’un idéal identitaire du diffuseur avec son public.
Il constitue, au travers de la communication télévisuelle,
une forme de communauté d’échanges et de reconnaissances
interindividuelles.
- Stariser le téléspectateur :
La diffusion de l’image dans les foyers, transforme le candidat
en star d’un jour. Ce phénomène étant
amplifié par la crédibilité du média
produisant le critère qualitatif du " vu
à la télé ".
- Motiver la fidélité : En primant
les jeux, on recherche le ressort de l’appât du gain
pour faire rêver le téléspectateur avec
un rêve à sa portée, s’il participe,
mais aussi par toutes les séquences de fidélisation
(envoi de carte postale contenant une réponse donnée
en cours d’émission permettant au téléspectateur
de participer à un tirage au sort).
Si le Jeu des Jeux n’échappe
pas à ses logiques, il y apporte des réponses
qui en spécifient le contenu.
- Visibilité
Bien qu’étant réalisé
en direct, Cajou est une émission sans public
de plateau. Dans le cadre du Jeu des Jeux,
il n’y a ni public de représentation, ni
candidat sur le plateau. Les candidats ne sont visible
qu’à travers deux éléments
du discours global : leur voix et éventuellement
leur photo dans le médaillon du tableau de
bord de la partie. La voix est l’élément
complètement indispensable. Sans cette voix
qui réagit en direct aux questions introductives
des animateurs, il est probable, que le côté
jeu n’aurait aucune crédibilité. Par
son timbre et le contenu de ses réponses,
la voix du candidat cible une identification du
public à un adolescent ou un pré-adolescent.
Le déroulement des parties impose cet échange
entre le candidat et les animateurs, au cours du
jeu, le joueur ne sera pas en mesure (par sa concentration
et la difficulté matérielle) de manifester
vocalement sa présence. De même chaque
manche est suivi d’un échange de conclusion
pour faire ressortir le vécu de la partie
(et s’assurer ainsi que c’est bien le candidat qui
a joué).
- Intérêt
Dans de nombreux jeux les arguments
centraux sont la confrontation, l’évaluation
de connaissances ou la mise du candidat dans des
situations cocasses. Le Jeu des Jeux repose
principalement sur la pratique, ce n’est pas tant
le contenu des jeux qui fait sens, que le fait de
jouer. La briéveté des séquences
et le décompte des points ne sont pas basés
sur le fait d’aboutir à une résolution
complète d’une manche, mais sur la capacité
à jouer pendant le temps imparti (dans la
plus part des épreuves, le joueur perd des
points s’il fait de l’anti-jeu. La séquence
où les animateurs expliquent le fonctionnement
de l’interface renforce ce centrage sur l’activité
comme contenu plus que le fond du jeu. Ils passent
plus de temps avec Kiki que sur les règles
du jeu : Pour les Quizz, on passe près
de 20 secondes avec Kiki pour 10 secondes de jeu.
Pour le jeu du Stremon, environ 50 secondes de présentation
autour de Kiki pour moins de trente secondes de
jeu. Avec le temps et la connaissance acquise du
fonctionnement des jeux, leur description fonctionnelle
est réduite à une dizaine de secondes.
Mais le scénario des jeux est lui aussi réduit
et sert essentiellement d’argumentaire aux commentaires
improvisés des animateurs.
- Starisation
Si la starisation était
un des ressorts des grandes chaînes généralistes
hertziennes, les chaînes thématiques
(tout au moins dans le contexte d’un réseau
de câblage en cours d’élaboration au
milieu des années 90) jouent sur le registre
de la proximité avec leur public. Mais une
proximité thématique (à la
différence des stratégies de proximité
des télévisions locales qui sont attachées
à la population d’un territoire). L’audience
sans être forcément confidentielle,
relève d’une niche spécifique dans
le public général des moins de seize
ans. Les concepteurs du Jeu des Jeux considèraient
un public plutôt favorisé et ayant
une pratique supérieure à la moyenne
de la population des technologies de communication.
Pour le public, passer à la télévision
fait partie du quotidien. Le côté anti-star
fait d’ailleurs partie de l’image de l’émission.
La multitude de présentateurs aux personnalités
et aux physiques distincts participe à la
déconstruction d’archétypes de la
star. La façon d’être, le comportement
(ne pas se prendre au sérieux, avoir un minimum
d’humour et de dérision pour prendre le meilleur
parti de la situation) donnent une humanité
à la relation en instaurant un rapport (idéalisé)
de proximité directe entre les individus
quelque soit leur position (animateurs ou téléspectateurs).
- Fidélisation
Pour des raisons vraisemblablement de budget
adapté au concept de l’émission, les gains ne
sont pas extraordinaires. Les lots sont constitués
d’objets spécifiques aux loisirs et aux temps libres
du public (patins à roulettes en ligne, jeux de sociétés,
sacs, accessoires…). Sous réserve d’une étude
des ressources du public, la valeur des objets doit rester
accessible avec une épargne à court terme sur
l’argent de poche. Le comportement même des animateurs
qui batifolent souvent avec les cadeaux contribue à
leur dévalorisation. Néanmoins, le cadeau reste
un élément discursif de motivation. La langue
anglaise dirait que cet artifice du discours distingue le
" play " du " game ".
Dans le cadre de l’émission, il y a en fait deux types
de gagnants, les candidats aux épreuves et ceux qui
ne participent qu’à la mosaïque finale. Ces derniers
gagnants doivent eux être fidèles à l’émission
pour profiter des avancées dans la résolution
de la mosaïque pour le cas où ils seraient amenés
à être contactés. La mosaïque d’ailleurs,
si elle n’est pas découverte, est réutilisée
lors de l’émission suivante. Ceci augmente la fidélisation
de ceux qui pourraient être contactés. De plus
les participants dans un cas comme dans l’autre doivent s’inscrire
en envoyant une carte postale. Ainsi dès l’envoi de
leur candidature ils ont intérêt à être
fidèle à la diffusion au cas où.
Mais là encore, c’est le moteur du
jeu " le jouer ", qui est certainement
le principal moteur de fidélisation. On le remarque
tout au long de la progression du jeu dans le temps, la complexité
des interfaces et la multiplicité des épreuves
obligent le candidat potentiel à être un spectateur
assidu s’il ne veut pas découvrir une épreuve
le jour de son passage. De fait, on entend et on constate
que les candidats ont observés les parties précédentes
pour adopter des stratégies.
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