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Spécial Thèse


Quatrième partie

Proxémie spéculaire des dispositifs de médiation interactive

1-La perméabilité des champs : l’espace virtuel
2 La virtualisation de la médiation
3 La dépendance relative
4 La mobilité des positions
5 La multimodalité des positions
6 Proximité multi- dimensionnelle : les trois distances de la socialité des médiations interactives 

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La prédisposition technologique : topologie de l'interface

A plusieurs reprises, nous avons montré que divers facteurs transformaient l’usage effectif d’un même dispositif selon le contexte d’usage ou les compétences des acteurs. Néanmoins l’ensemble des paramètres matériels constituant et entourant le dispositif prédéfinissent les limites d’une interface dans laquelle tout n’est pas possible. Plutôt que de déterminisme technologique nous préférons parler de prédisposition technologique. Le déterminisme technologique restreindrait la potentialité de la médiation à ses constituants. La médiation n’est pas enfermée dans la fonctionnalité de son dispositif, elle évolue et se construit dans le contexte de son usage. Subversion, détournement sont au nombre des multiples stratégies que les acteurs mettent en place pour découvrir, adapter, forcer l’utilisation du support.

Les prédispositions technologiques ramènent le cadre de la fonctionnalité aux caractéristiques liant les éléments du dispositif permettant aux utilisateurs d’agir et de percevoir. Ces éléments peuvent être regroupés dans une topologie de l’interface. Pierre LEVY [53] situe le terme d’interface comme étant le lieu de contact entre deux systèmes, comme un espace de transfert, de communication.

Partant d’une définition historique en informatique, distinguant les interfaces d’entrée et de sortie, il réfute cette dualité des interfaces pour n’en conserver qu’une acceptation générique contenant tous les microdispositifs d’interfaçage d’un système. Derrière l’interface se trouve tous les systèmes mécaniques et logiciels d’entrée et de sortie de données. Chaque système d’interface se caractérise alors par une architecture complexe autorisant une somme, une surface d’usages perceptifs et actifs.

L’utilisateur occupe une place dans le dispositif à partir de laquelle il entretient des rapports de proximité (contact/distant ou continu/discret) avec les éléments de l’interface. Au cours de la seconde partie (p.154), nous avons ainsi caractérisé des zones d’interactivité. Elles sont constituées par les conditions matérielles permettant à l’acteur d’accéder à la représentation des énoncés et de les actualiser. L’interface institue des rapports de proximité entre l’acteur et l’énoncé (et donc entre l’acteur et sa représentation en tant que personnage).

L’interface crée un environnement propice au déroulement de la médiation.

  • Lorsque l’action est distante, c’est à dire que l’utilisateur n’a pas besoin d’entretenir un contact direct avec le système, l’espace virtuel s’ouvre au champ de mobilité de l’acteur. Ceci produit des effets d’immersion. L’action est en fait continue, la présence fait signe.

  • Lorsque l’action est contrainte par un maintien du contact (un clavier, une souris…), l’espace se réduit à l’effectivité du contact.

Le développement des joypads*, qui remplacent souvent les joysticks*, privilégie une ergonomie plus proche de l’investissement kinesthésique des utilisateurs relativement à leur personnage. Si le joystick est particulièrement adapté aux simulations de vol, par sa ressemblance avec les " manches à balai " des avions, il nécessite généralement d’être fixé pour retenir les mouvements de l’utilisateur. D’une part ceci le fragilise et d’autre part cela restreint l’accompagnement corporel du mouvement. Le joypad permet d’éviter la crispation sur la manette et à chaque pouce et index d’être actifs. Le joypad ne nécessite pas de support et les pressions des doigts ne le déplacent pas. Ainsi il peut rester en main quels que soient les mouvements. Un joueur peut ainsi se lever, se rasseoir, avoir des mouvements de bras réflexes qui accompagnent un mouvement imaginaire qui s’identifie à celui du personnage.

Les effets de la prédisposition technologique sont similaires en matière de perception.

  • Lorsque la perception est distante (par exemple visualisation sur un écran) le champ de l’interface s’étend aux limites perceptives du support de diffusion. De telles interfaces élargissent le champ d’interactivité tout en laissant perceptible la distance entre la sphère opératoire et la sphère symbolique. L’utilisateur est dans le cadre d’une médiation spectaculaire où le rôle d’acteur n’est identifié que par l’effectivité d’une reproduction de ses actes. En revanche en ouvrant l’espace physique de la médiation, ce type d’interface s’inscrit fortement dans un contexte social institutionnalisé dans la mesure où il peut y avoir des spectateurs qui assistent à la médiation sans forcément y prendre part.
  • Lors d’une perception par contact (joystick à retour d’effet, visiocasque), la perception du champ symbolique se rapproche (d’autant plus que la définition est fine et fluide) de l’illusion, de la simulation du réel. L’acteur est immergé dans le symbolique, l’espace virtuel est fortement individualisé autour du personnage. Par contre toute rupture du contact crée une rupture entre le champ symbolique et le champ opératoire.

Il faut noter cependant que le niveau de définition et certains paramètres dimensionnels font varier le statut des éléments d’interface en fonction notamment de l’attitude de l’utilisateur. Par exemple la position à l’égard d’une source visuelle du type d’un moniteur changent selon la distance. Plus on s’éloigne, plus le champ de vision s’élargit atténuant les effets de pixelisation* de l’image sur les écrans. L’image est donc plus nette, plus fluide et apparaît comme plus naturelle. Parallèlement, la périphérie de la zone d’affichage occupe une partie plus grande du champ de vision et diminue donc l’effet d’immersion dans la surface. La zone d’affichage passe d’un statut d’environnement vers un statut d’objet pris dans un autre environnement. Le cinéma utilise depuis longtemps l’importance de la taille de l’écran pour offrir un spectacle total. Cet exemple est aussi adaptable au traitement du son. Ainsi, si le volume sonore émis couvre les sons de l’espace opératoire, il clôture l’espace de médiation en l’isolant des bruits fonctionnels et extérieurs. L’interface est alors de type contact. En sens inverse, si le volume sonore n’occulte pas la perception d’événements extérieurs à la médiation, l’acteur sera " décentré " du personnage. Il sera lui-même, une personne qui peut entendre le téléphone sonner ou qu’on l’appelle pour venir à table.

On remarquera que certains systèmes ont un double statut, actif et perceptif, plus particulièrement les systèmes de contact. Un joystick à retour d’effet entre dans ce cadre. Cette interface sert tout autant à agir qu’à percevoir. Un retrait de l’acteur n’est pas seulement un passage à l’état de spectateur, mais un retrait d’une zone d’interactivité en même temps qu’une modification des conditions de perception. Si les systèmes de contact amplifient la perméabilité des champs, ils amplifient aussi les effets de ruptures. Dans les dispositifs dits de réalité virtuelle, la mobilité est restreinte. Lorsque l’acteur se sert d’un visiocasque *,il est collé à son personnage et à l’environnement de celui-ci. il est obligé de quitter entièrement la zone d’interactivité pour décrocher.

Nous avons généralement constaté une complexité des dispositifs. Ils résultent généralement d’un mélange de plusieurs " familles d’interface ". Ces constructions composites (parfois complémentaires, d’autre fois concurrentes) au sein des dispositifs nous amènent d’ailleurs à théoriser une propriété des dispositifs interactifs que nous présentons ultérieurement sous l’appellation de multimodalité (voir p.288). La perméabilité varie aussi en fonction des propriétés physiques traitées par l’interface. Par exemple, dans le cas de l’utilisation d’un ordinateur multimédia, la sensibilité à l’éloignement visuel est beaucoup plus rapide que l’éloignement sonore. Cette variation des sources entre elles participe à la propriété de multimodalité des médiations. La perméabilité considère l’ensemble des éléments d’interface comme constituant un espace virtuel global. La multimodalité traite des variations de cet espace en fonction de l’usage des interfaces et de leurs configurations. Dans le cadre de la perméabilité, les éléments d’interface s’ajoutent. Dans tous les cas, il n’y a pas de dispositif purement intuitif, le dispositif ne fait pas l’acteur et il n’y a pas d’évidence de celui-ci d’emblée, c’est dans sa pratique que l’utilisateur en mesure et en définit les limites. La perméabilité est donc définie par les conditions de l’usage qui étendent l’espace virtuel au-delà de l’interface par l’usage de celle-ci.

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©Vincent Mabillot 1999-2003