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3 La dépendance relative
Nous avons beaucoup insisté sur la
circularité entre le champ fonctionnel et le champ
symbolique. Jusqu’à leur fusion (au moins partielle)
dans ce que nous sommes convenus d’appeler l’espace virtuel.
A partir de l’identification d’une position
spéculaire renvoyant à un champ de l’actuel
au travers de processus de transfert, nous sortons de l’indétermination
de la relation entre les deux champs initiaux. Cette identification
est toujours possible dans la mesure où nous ne connaissons
pas de dispositif de fusion absolue. Ainsi les transferts
sont relatifs à un des deux champs. Ils sont indiciels
quand l’acte est relatif au champ de l’acteur et symbolique
lorsqu’il est relatif à la position du personnage.
Comme l’ensemble des autres propriétés elle
est soumise à la mobilité qui relativise cette
propriété. Néanmoins, la dépendance
relative a pour effet d’englober le champ de destination vers
le champ d’origine du transfert. En d’autre terme, cela
signifie que si l’acte se réfère au champ de
l’expérience, le champ symbolique entre dans sa continuité.
Ainsi lorsque le mouvement de souris correspond à un
mouvement de localisation sur l’écran indépendant
du contenu de l’écran, la marque du personnage (le
curseur de la souris) est un prolongement de l’acteur. Lorsque
le mouvement de l’acteur est soumis à des éléments
du symbolique (obstacles visibles ou non à l’écran)
il est obligé de se positionner (à la place
du personnage) dans l’environnement symbolique et d’en accepter
les règles propres (qu’elles soient réalistes
ou non). Dans ce cas, la médiation rend le champ de
l’expérience dépendant du, régulé
par, le champ symbolique. Ainsi, lorsque l’action nécessite
un contact (ou une continuité de contact), notamment
avec l’usage de clavier ou de souris, la marge de manœuvre
de l’acteur s’atrophie, il doit adapter sa capacité
d’agir et son champ d’action à celui autoriser par
le dispositif (longueur de câblage, surface de déplacement
de la souris, nombre de touche…). En sens inverse, plus il
est en contact avec le dispositif de perception plus il se
trouve dans le champ du symbolique (comme lorsque le champ
de représentation visuelle recouvre la totalité
de son champ de vision).
Cette dépendance relative influence
ainsi la " tonalité ", la " couleur "
de la virtualité en l’ancrant dans un champ plutôt
que dans l’autre.
Au cours de cette monographie, nous avons
rencontré plusieurs illustrations de cette dépendance
qui complète la perméabilité.
Ainsi on remarque que dans les applications
utilitaires, les contraintes imposées par la représentation
sont limitées à la fonction de l’application.
Le mouvement du curseur de la souris n’est que très
peu dépendant de ce qui est affiché. Il suit
le mouvement de l’utilisateur jusqu’aux limites de l’écran.
Dans un jeu, des éléments graphiques pourront
le retenir. Dans ce dernier cas, la représentation
contraint l’acteur à se mettre à la place de
son personnage. Il doit accepter les contraintes fonctionnel
de la sphère symbolique comme réalité
opératoire. La dépendance distingue ce qui est
de l’ordre de la simulation et ce qui est de l’ordre de la
modélisation. La simulation impose le symbolique comme
étant un réel, les règles de fonctionnement,
les propriétés de l’espace virtuel sont liée
à une représentation d’un monde particulier
complet. L’objectif d’un simulateur de vol est de donner l’impression
que l’on vole " le plus vraiment possible ".
Parallèlement, la modélisation opère
une sélection des propriétés du champ
symbolique pour valoriser certaines opérations de l’utilisateur.
Comme pour la perméabilité,
il nous faut être prudent et ne pas oublier la multimodalité
qui fait cohabiter au cours d’une même médiation
une dépendance relative variable selon les " endroits "
du dispositif. Ainsi on trouve des jeux de simulation et des
jeux de modélisation. Par exemple, le jeu de pilotage
" Vroom " permet à l’utilisateur
de choisir un mode arcade et un mode simulation. A quelques
détails d’utilisation près, ce jeu change de
nature. Dans la version arcade, l’utilisateur n’a qu’à
se préoccuper de sa direction et de ses accélérations/décélérations.
Dans la version simulation, il doit tenir compte de l’usure
de son véhicule (et effectuer son entretien), gérer
les changements de vitesse… Dans ce cas, on voit aussi que
simulation et modélisation ne se résume pas
aux conditions de manipulation et de représentation.
Le contenu infère dans sa relation avec la position,
la compétence, les connaissances et les motivations
de l’utilisateur.
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