5 La multimodalité
des positions
Lors de l’étude du Jeu des Jeux,
nous avons montré que co-existaient, se superposaient
simultanément des positions différentes de la
relation acteur/personnage. Ces modes de la médiation
peuvent être observés tant au niveau du fonctionnement
de l’interface (par la superposition de dispositifs antagonistes)
qu’au niveau de la représentation (par le fractionnement
de l’acteur sur plusieurs personnages ou en sens inverse par
le partage d’un même personnage par plusieurs acteurs).
La multimodalité apparaît un
peu comme une sous-propriété de la mobilité.
Mais nous la distinguons comme une propriété
à part entière compte tenu de la spécificité
de sa temporalité au cours de la médiation :
l’instantanéité. La mobilité est liée
à une transformation de la relation acteur/personnage
dans la durée de la médiation. Dans la multimodalité,
on s’intéresse à cette caractéristique
des médiations interactives où la relation acteur/personnage
doit être envisagée simultanément à
des degrés différents en fonction de la complexité
de l’interface.
Nous remarquons que la relation acteur/personnage
passe généralement par plusieurs canaux d’action
et de perception simultanément, des canaux d’interaction.
Chaque canal d’interaction ou mode d’interaction se caractérise
par une perméabilité, un champ virtuel définit
par la relation acteur/personnage. Selon la nature et l’usage
du dispositif, ces modes seront redondants (ils se caractérisent
par le même type de perméabilité) ou ils
seront complémentaires (association de perméabilités
antagonistes).
Les modes redondants ont un effet de renforcement,
d’ancrage de la position. Il accentue la nature du transfert
(indiciel ou symbolique selon le cas) et détermine
la relativité globale de la médiation. Elle
détermine si la médiation est de l’ordre de
l’opératoire ou de l’ordre du symbolique.
- Les modes complémentaires
Les modes complémentaires créent
un effet paradoxal en opposant deux positions. Par exemple
dans le jeu " Alone In The Dark ",
le joueur est associé à un personnage dont la
manipulation, le déplacement est symbolique :
la valeur des touches directionnelles du clavier dépend
de l’orientation du personnage dans l’univers du jeu. La visibilité
du personnage et du jeu est quant à elle indicielle,
elle est calée sur la fixité du moniteur. Le
joueur voit le jeu, mais pour le faire fonctionner il doit
l’imaginer depuis la position du personnage dans son univers.
Cet état paradoxal manifeste, situe la rupture sémiotique,
mais en même temps, parce que l’utilisateur le transcende,
il l’efface par l’usage.
Il s’ensuit que toute médiation interactive
nécessite des modes complémentaires, un système
n’ayant exclusivement que des redondances opératoires
serait un objet éventuellement utile mais pas un média.
Une exclusivité de redondances symboliques placerait
l’utilisateur dans l’ordre de l’illusion. C’est parce que
l’utilisateur a conscience de la rupture que le dispositif
est un média et parcequ’il dépasse par l’usage
cette rupture que la médiation peut devenir interactive
car l’utilisateur se positionne dans le champ de l’actuel
et du symbolique.
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